Monsters – Ken Dahl

 

herpes couv

Et si on parlait d’herpès ?? Non, bien évidemment, pas comme ça de but en blanc dans le style forum doctissim* qui, alors que vous n’avez qu’un rhume, vous laisse avec un cancer et deux jours à vivre… Mais à travers une bande dessinée, parue chez L’employé du moi, et le regard particulier de son auteur Ken Dahl atteint de cette incurable maladie. Je me suis beaucoup interrogé sur la pertinence de publier ici un article sur une BD qui parle de maladie. Mais parce que je trouve que c’est une super-méga-bonne BD je ne vois pas pourquoi je m’en priverai… Donc attention, c’est parti pour une petite plongée dans le bizarre.

En 2002 aux Etats-Unis, tout commence par une pensée gratuite devant la télé : « comment des gens atteints d’une maladie incurable et contagieuse peuvent-ils prétendre vivre normalement ? ». Quoi de plus normal que ce genre de pensée. Le jugement facile, gratuit de ce qui ne nous concerne pas et dont au final on sait peu de choses est assez fréquent (il suffit de lire les commentaires d’articles sur le web, ou bien de se regarder en toute honnêteté dans la glace pour s’en rendre compte). Mais si, tout à coup, cela même que l’on dénigre nous arrivait I.R.L., à nous, dans la vraie vie ! Comment réagirions-nous ? Ce n’est pas la question que s’est posé Ken Dahl, tranquillement installé sur son canapé ou devant sa planche à dessin, mais c’est ce qu’il a vécu et qu’il retrace à posteriori dans Monsters.  Alors qu’il file le (presque) parfait amour, il va prendre une droite inattendue… Il a de l’herpès… Mais surtout, le monstre qu’il porte en lui a probablement contaminé sa petite amie de l’époque. Commence alors un enfer(mement), un repli sur soi qui va durer pendant cinq longues années.

Alors oui malgré un sujet plutôt bizarre et atypique je trouve que c’est une bonne BD, un bon texte, non pas uniquement parce que c’est beau, parce qu’il y a des trouvailles graphiques originales mais aussi parce que ça me dérange, ça m’interpelle et donc ça me questionne. Avec le divertissement (qui n’est pas un élément négligeable) c’est pour ma part un des éléments essentiels pour un bon bouquin. Et cette BD ne m’a pas laissé indifférent. Ce livre est une vraie mine d’or. Tout d’abord on en apprend plein sur l’herpès (saviez-vous qu’il existe deux formes principales d’herpès ? Savez-vous comment elles se transmettent ? Savez-vous que plus de 60% de la population des Etats-Unis vit avec ?). Mais ce n’est pas qu’un documentaire sur le sujet. Ken Dahl décrypte avec justesse le cercle vicieux du rejet de soi. Le déni, la peur, la colère, le repli sur lui-même, la quête d’informations, de solutions seront autant d’étapes qu’il devra traverser avant d’arriver à émerger. Son dessin sert très bien son propos avec un trait à la fois caricatural pour parler de son état intérieur et de la maladie (certaines pages sont plutôt beurk…), mais aussi réaliste pour nous rappeler que ça se passe dans son quotidien qu’il ne s’agit pas d’une œuvre de fiction (euh, là encore certaines pages sont plutôt beurk…).

Avec Monsters, Ken Dahl interroge nos comportements envers nous-même mais également nos jugements contre les autres. Mais n’allez surtout pas penser qu’il signe un bon livre moralisateur, un parfait petit manuel du « il ne faut pas juger autrui sinon tu seras puni ». A aucun moment il ne cherche à vous entraîner dans le pathos. Il se livre sans fards et sans concessions, à la mode américaine, dans le style d’un Joe Matt ou d’un Chester Brown. C’est avant tout un témoignage et tant mieux si ça vous intéresse, si ça vous aide, mais non, il ne répondra pas à toutes vos questions, et ne vous donnera pas toutes les solutions (la postface ajoutée à la deuxième édition est excellente). Faut pas abuser non plus…

Ami lecteur avant de te quitter, et si je ne t’ai pas déjà convaincu de lire cette BD, voici un dernier argument :

tout va bien, rassure toi, reste calme… Il y a de grandes chances pour que tu ais l’herpès.

Baptiste

Monsters, Ken Dahl, L’employé du moi, 20,80 €

 

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