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Il y a quelques mois maintenant, la dernière trilogie d’Erik l’Homme s’est achevée. Il est temps de revenir sur ces trois tomes de Terre-Dragon, une saga de fantasy jeunesse dont la publication a débutée chez Gallimard Jeunesse fin août 2014 pour se terminer début octobre 2015.

Vous avez déjà pu lire la critique de Côme sur la saga emblématique de L’Homme : Le Livre des Etoiles, il  y a quelques temps et autant vous dire que je ne partage pas son avis puisque c’est une série que je relie régulièrement et apprécie toujours autant. Enfin bref.

C’est donc avec beaucoup de joie que j’ai appris le début de cette nouvelle série. D’autant que cette fois, l’auteur nous emporte dans un monde de fantasy entièrement inventé ce qui n’est pas -entièrement- le cas avec le livre des étoiles, puisqu’il y a un ancrage avec notre monde réel.

Il va être difficile de vous parler de l’histoire sans trop spoiler, mais allons-y.

Dans la région nordique de Terre-Dragon, nous faisons la connaissance d’Aegir-Peau-d’Ours -parce qu’il porte en permanence une peau d’ours, ça va c’est pas trop difficile à suivre là. Aegir est un jeune homme tenu prisonnier dans une cage depuis laquelle il ne peut voir la beauté du ciel étoilé si loin au-dessus de lui. Il « vit » au milieu des Naatfarirs, peuple habitant cette partie du monde et qui dresse les dakans, sorte de métamorphe très dangereux, grâce à une ancienne magie et des colliers d’asservissement.

Seulement voilà, Aegir va réussir à s’enfuir et les meilleurs chasseurs Naatfarirs, accompagnés d’un Dakan vont se lancer à sa poursuite à travers les montagnes. Dans sa fuite, il rencontre une jeune fille – elle aussi en fuite – petite fille d’une sorcière que les habitants du village ont décidé de brûler. La rencontre est brève mais, pour l’aider, l’apprentie sorcière trace des symboles magiques de protection sur Aegir avant de reprendre sa propre fuite.

Plus loin, Aegir rencontre Doom-le-Scalde, un jeune garçon drôle et attachant dont l’ambition est de devenir un scalde – un barde de ce monde- aussi célèbre que Rosk-le-Borgne dont le Chant du Fleuve est entré dans l’histoire. Autant dire que ce n’est pas gagné vu ses piètres qualités en tant que chanteur/conteur.

Il rencontre également Gaan, un vieillard aveugle qui se révèle être un puissant sorcier et deviendra le mentor de tout ce petit monde.

Parce qu’en effet, le destin ce gentil farceur va remettre la jeune fille – qui répond au doux nom de Sheylis – sur la route des trois compères. Et parce que le destin est un fils de chien, elle s’est fait enlevée, avec une autre jeune fille, par les prêtres de crâne, une église particulièrement cruelle et avec des plans pas très nets à base de domination du monde, de prophétie à réaliser et tout.

Voilà pour nos personnages principaux. Mais toute l’histoire ne tourne pas autour d’eux. Le lecteur retrouve ainsi régulièrement les Naatfarirs, mais également le dangereux prêtre du crâne rouge ou encore l’autre jeune fille enlevée par le Crâne. Chaque chapitre prend un personnage en focus et permet d’apporter des pièces supplémentaire au puzzle que nous présente Erik l’Homme ; sans toutefois nous indiquer où elle vont.

C’est là l’une des forces du récit : seul Gaan semble savoir à quoi s’attendre, avoir toutes les réponses, le lecteur ne peut faire que des hypothèses … et les autres personnages sont focalisés sur leurs propres objectifs : échapper à leurs poursuivants etc. sans se douter d’où tout cela va les mener.

Parce qu’il est question de l’avenir de Terre-Dragon, rien que ça. Jusqu’au bout, on se demande ce qu’il va bien pouvoir se passer, comment la situation va se retourner. Et j’avouerai que je ne m’y attendais pas et qu’elle est très inventive. Chaque personnage à son rôle à jouer, qu’il le comprenne où non. Et au final, quel destin, quelle prophétie est la bonne ?

Oh, et j’oubliais un détail important. IL Y A UN PUTAIN DE FLEUVE MÉTALLIQUE sur lequel ne peuvent naviguer que des BATEAUX EN PIERRE. Si ça, ce n’est pas inventif … Oh. Et les dakans se transforment EN OURS. Oui monsieur/madame. En ours monstrueusement puissant ! .

Bref, il serait difficile de vous en dire plus sur l’histoire sans vous spoiler une grande partie des tenants et aboutissants du récit, aussi je vous  invite très fortement à lire ces trois tomes. D’une seule traite parce que vous ne pourrez pas vous arrêter.


Terre Dragon, Erik L’Homme, Gallimard Jeunesse, 11.50€ par tome, trois tomes.

Quentin

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Alcibiade, jeune et sympathique garçon, se lance dans une quête pour découvrir son destin. Pour cela, il va lui falloir parcourir un long chemin et rencontrer le vieux sage qui lui montrera la voie.

Alcibiade est une fable philosophique. Pour sa première BD, Rémi Farnos nous invite à découvrir le chemin semé d’embûche qu’est la vie. Un récit simple et accessible pour les plus jeunes que les plus âgés peuvent apprécier comme une histoire très bien faite.

Ce qui fait l’originalité de cette œuvre, c’est l’emploi du gaufrier. Terme qui désigne le découpage des planches en cases, il est de 3 par 4 dans le franco-belge classique. Et si les codes ont évolué, la façon dont il est employé ici est brillante. Toujours en 4 par 4, les cases ne comportent pourtant pas toujours des dessins essentiels à l’histoire. On y trouve des grandes scènes sur toute la planche ou des cheminements qui suivent l’action de haut en bas.

Alcibiade est une grande réussite qui mérite toute votre attention. Soutenez des projets aussi ambitieux et des auteurs aussi talentueux et le monde de la BD n’en sera que meilleur. On notera aussi que la grande instance de la BD qu’est le festival d’Angoulême a déjà mis ses patounes sur le livre qui nous intéresse aujourd’hui et qu’il est dans la sélection jeunesse.

Sur ces bons mots, je vous souhaite une bonne fin d’année 2015, une bonne année 2016 et tout plein de curiosité pour découvrir et redécouvrir le monde.


Alcibiade, Rémi Farnos, La Joie De Lire, 10 €

Côme

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Qui, bercé par les  contes qu’on lui racontait dans son enfance, n’a jamais rêvé de se promener dans le monde enchanté  ? Quelle folie ! C’est bien parce que j’en ai rêvé qu’aujourd’hui je vous parle du Pays des Contes, de Chris Colfer, publié par l’ami Michel Lafon.

Il y aurait beaucoup à dire mais cet article sera court, pour vous laisser le plaisir de découvrir ce monde des contes de fées par vous même. Oh, et je ne parlerai que du premier tome, pas des deux autres (le deuxième est également disponible en poche, le troisième pas encore).

Allons-y !

Alex et Conner sont des jumeaux aux caractères bien opposés. D’un côté nous avons Alex, jeune fille brillante, assidue et sans amis. De l’autre Conner, un jeune garçon rêveur, pas stupide mais incapable de se concentrer et de plus en plus sujet à d’inopinées siestes pendant les cours. Ils vivent avec leur mère dans une petite maison de la banlieue depuis la mort de leur père, un an plus tôt. Tous deux ont été bercé par les contes, lus par leurs parents mais aussi leur grand mère un peu excentrique (et rien que pour ce personnage là, j’adorerais voir le rendu au cinéma).

Oh attendez. L’histoire ne commence pas directement par là. Faisons les choses dans l’ordre…

Il était une fois, au pays des contes, une jeune reine entrant dans une cellule au plus profond de sa prison. Cette jeune reine veut des informations, veut comprendre ce qui a poussé sa prisonnière à agir. Cette reine, c’est Blanche Neige; la prisonnière sa belle-mère …

Le prologue est donc une introduction à cet univers de contes et une mise en place très délicate de l’intrigue, ne nous donnant quasiment aucun détail. Pourquoi une telle insistance de Blanche-Neige ?  Quelle importance revêt le passé de la Méchante Reine ? De tout cela, nous ne sauront rien, puisque le prologue se finit sur cette tirade de l’ex-reine :

« Je vais te parler de mon passé, ou du moins du passé de la personne que je fus autrefois. Mais je te préviens : mon histoire n’est pas de celles qui se terminent par ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. »

La narration se déplace alors sur nos deux héros … en plein cours sur les Contes.

« Les contes de fées ne sont pas simplement des histoires qu’on raconte le soir avant de se coucher. On peut trouver la solution à pratiquement tous les problèmes imaginables das la conclusion d’un conte de fées. Ces contes sont des leçons de vies déguisées, avec des personnages flamboyants et des situations improbables. […]

Aujourd’hui, les parents laissent leurs enfants devant des dessins animés stupides et des films violents. Et quand certains enfants finissent par découvrir ces contes, c’est par le biais de versions abâtardies au cinéma. Ces adaptations suppriment souvent la morale d’origine, la remplaçant par des animaux de la forêt qui chantent et qui dansent. »

On découvre dans ce passage le personnage de Mme Peters, la professeure des jumeaux – oui, ils sont dans la même classe. Un personnage soucieux de l’avenir des enfants et qui cherche à les aider, sans pour autant être laxiste, puisqu’elle punit régulièrement Conner tout en essayant de l’aider.

Bien que cela semble sans incidence sur l’histoire du roman, les apparitions de Mme Peters sont importantes pour la progression de l’histoire, mais surtout pour la mise en avant de  la manière dont les deux protagonistes vont penser et agir. Oh, et aussi un peu pour les faire évoluer.

Bref.

L’anniversaire des enfants approche et avec lui le souvenir de la mort de leur père, décédé quelques jours avant le précédent. Pour cette occasion leur mère ne peut se libérer de son travail et leur grand mère maternelle va s’occuper de gâter ses petits-enfants adorés. Grand repas et plein de cadeaux au programme ! Mais surtout le magnifique livre Le pays des contes, ouvrage marquant les longues journées et soirées pendant lesquelles leur père et leur grand-mère racontaient des histoires.

Et voilà que le livre se met à faire des choses étranges alors qu’Alex l’examine et le dorlote. Un passage semble s’y ouvrir, elle y jette des stylos qui n’en reviennent pas.

Surprise à ces tests par son frère, elle trébuche et tombe dans l’imposant livre, suivie par son frère.

On retrouve le schéma de Narnia ou Alice au Pays des Merveilles, le passage accidentel dans un autre monde, un monde mystérieux et plein de fantasy.

Une grande force de ce premier tome – je ne parle ici que du premier, je vous le rappelle  – réside dans sa capacité à faire penser le lecteur à l’intrigue de fond sans pour autant lui donner d’indices particuliers et cela apparaît dès l’arrivée des enfants dans le monde des contes puisqu’ils voient un arbre très particulier dont leur père leur parlait lorsqu’il racontait son enfance et ses lieux secrets. A partir de là, tout un tas de questions vont s’accumuler pour le lecteur attentif, il fera des hypothèses plus folles les unes que les autres. Seulement à partir de cette anecdote et de différents autres points de l’histoire, qui n’ont vraisemblablement aucun lien logique entre eux. Mais voilà, l’histoire est ainsi écrite que les éléments les plus anodins semblent importants – et qui sait, peut être le sont-ils ?

Bref.

Pour revenir à nos deux petits, ils sont sauvés par Grenouille, qui va leur donner un  journal comportant les instructions pour activer un sortilège perdu ( He! mais c’est le nom du tome 1 ! ) accordant un souhait – et un seul. Ce qui leur permettrait de retourner dans leur monde. Pour se faire ils vont devoir écumer entièrement le pays des contes afin de récupérer les ingrédients nécessaires, certains évidents pour qui connaît les contes de fées aussi bien qu’eux, d’autres plus subtils.

Mais voilà que la Méchante Reine est à la recherche des ingrédients elle aussi – et ceux-ci sont uniques. Un contre-la-montre commence alors pour les deux enfants dont les aventures vont révéler bien des secrets.

En plus court : une lecture vraiment sympathique, pleine de rebondissements et de révélations inattendues – certaines assez classiques, mais c’est autre chose. Je vais de ce pas continuer de lire les autres tomes.


Le pays des contes, Chris Colfer, Michel Lafon, 7€.

Quentin

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Junji Ito est l’un des maîtres du manga d’horreur actuel. Très inspiré par les travaux de Kazuo Umezu (auteur repris en main depuis peu par Le Lézard Noir), Ito est un génie de l’ambiance et sait créer des atmosphères génialement oppressantes. Son œuvre la plus aboutie (en tout cas à mon sens), reste encore aujourd’hui Spirale.

On y suit Kirié et Shuishi, un jeune couple vivant à Kurouzu, petite ville isolée et sans histoire. Ito pose un cadre rassurant, ou les personnages vivent paisiblement au sein d’un contexte familiale sain… avant de d’introduire une série d’anomalies qui va semer la confusion de plus en plus intensément à Kurouzu. Tout ces événements sont liés à la Spirale, simple figure géométrique qu’Ito a le génie d’ériger au rang d’entité paranormale et malsaine. Le quotidien s’effrite irrémédiablement et l’horreur s’installe grâce aux graphismes inquiétant du maître, peuplé de personnages dégingandés aux yeux fous.

Étrange et parfois gore, Spirale est un pilier du manga d’horreur, une œuvre culte et merveilleuse. Détail amusant, la post-face de l’édition intégrale, qui analyse l’œuvre comme une critique du capitalisme et d’une société de plus en plus nombriliste, a été démentie par Ito lui-même.


Spirale, Junji Ito, Tonkam, 29.99 €

Armand

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Salut les loustics, prévention du jour : mieux vaut ne pas laisser traîner ses mains sous les coussins des vieux canap’ abandonnés. De un c’est dégueulasse et pour peu que vous vous coupiez bonjour le tétanos; secundo il est probable que vous tombiez entre deux plis de tissu sur le seul moyen d’empêcher l’invasion de la terre par un dictateur extra-terrestre. Bah oui on vous avait prévenu, après si vous n’en faites qu’à votre tête faut pas venir chialer.

Comment ça c’est le 24 décembre et faut que je me calme ?!

M’enfin ils le savent maintenant que le Père Noël n’est qu’un biéreux qui traîne dans les salons des maisons mal fermées pour taper dans les trousses à pharmacies et les bacs à bières. Non ? Ah mince désolé.

Bon reprenons, un chouette livre à faire découvrir pour les fêtes :

Quand trois jeunes merdeux partent fouiner là où il ne faudrait pas (on parle toujours de canapé) ils vont malencontreusement mettre les pieds dans le plats et se retrouver au cœur d’un conflit dantesque entre aliens, (soit-disant humanoïdes, mais on sait jamais avec ces bêtes-là) ce qui expliquerait pourquoi la population a un comportement de plus en plus étrange, semblable à des automates… Absolument pas parce qu’ils sont sous LEUR CONTRÔLE ! Non non, ça serait trop vous en dire. Heureusement on parle de trois jeunes AMÉRICAINS, qui peuvent donc sauver le monde pépouze et rentrer prendre le goûter sans trop de problèmes.


Ce qu’ on a trouvé dans le canapé puis comment on a sauvé le monde, Henry Clark, Les Grandes Personnes 16€50.

Le Don Carlo

Thursday Next, détective littéraire au sein des Opsec, va se voir confronter à Archeron Hadès, un génie criminel aux étranges capacités.

C’est une uchronie que nous présente Jasper Fforde dans l’affaire Jane Eyre et ces suites. L’Angleterre et la Russie sont en guerre depuis un siècle pour la Crimée. Le groupe Goliath dirige en secret l’Angleterre et le Pays de Galles est une nation indépendante. La littérature y est extrêmement importante, et des conflits armes peuvent avoir lieu entre défenseurs de tels ou tels auteurs.

C’est un peu compliqué de vous parler de ce qui fait le cœur de cette série sans vous spolier la fin du premier tome. Donc, si vous voulez découvrir le premier livre, sachez que cette enquête mâtinée de fantastique est pour l’instant le meilleur tome que j’ai lu de cette série. Maintenant, passez votre chemin (et allez lire d’autres articles de mes chers compagnons).

À la fin du premier tome, Thursday découvre l’existence du monde des livres, endroits ou sont créer et stocker les histoires, présentes et à venir, dans lesquels les personnages vont jouer leurs rôles, mais aussi vivre leurs vies en dehors du développement de l’intrigue. Et notre héroïne va intégrer la police de cet endroit et commencer à découvrir l’envers du décor.

Pourquoi cette série est si bien ? Au-delà de la mise en abîme permanente, et qui ne fais que s’enrichir en nous plongeant toujours plus loin dans le jeu de l’auteur. Et surtout, si votre plus grand rêve est d’écrire un livre, ce bon vieux Jasper vous explique, entre les lignes, comment éviter les écueils narratifs ou vous apprend certains concepts bien utiles. Et pour ceux qui auraient une passion pour la littérature classique anglaise, voire la cession de management de la colère des personnages des Hauts de Hurlevents reste un moment splendide.


L’affaire Jane Eyre, Jasper Fforde, 10/18, 9.60€
Délivrez-moi !, Jasper Fforde, 10/18, 9.40€
Le puits des histoires perdues, Jasper Fforde, 10/18, 8.60€
etc…

Côme

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Revenons au classique ! Avec le Grand pouvoir du Chninkel de Rosinski et Van-Hamme replongeons nous avec joie dans la fantasy des années 80. Avec la quête de l’oiseau du temps de Loisel et une bonne partie des récits de Druillet, je pense qu’on tient là la base de toutes bonnes lectures en bandes dessinées fantastiques.

Le monde de Daar est en guerre depuis toujours et nul ne semble se souvenir pourquoi. Dès qu’à lieu la croisée des trois soleils, les trois immortels se mettent en marche avec leur armées, semant chaos et destruction sur leur passage, dans un combat qui ne semble pas avoir de fin. C’est du plus petit des peuples, les Chninkel que va naître pourtant un espoir. J’on rescapé d’un terrible carnage se voit confié par une entité monolithique, qui se dit le créateur des mondes : le grand pouvoir !!!! Et la mission de redonner à ce monde la paix. Il reste cinq croisées de soleil à notre jeune héros pour accomplir sa mission sinon couiiiiiiiiiic, plus de monde du tout ! Considéré par certains comme un paria, vu par d’autres comme le « choisi », J’on va vivre une réelle quête initiatique faite de traversées de désert, de miracles de prophétie et même de charmantes rencontres…

Guerres, massacres, héros chétif et rejeté, quête mystique, sexe… On retrouve dans ce récit ce qui forme la base l’essentiel des bons récits de fantasy. Si les références sont nombreuses : Tolkien, 2001 l’odyssée de l’espace (et j’en passe) la plus flagrante, et en même temps la plus intéressante à mon goût, est le nouveau testament et tout particulièrement les évangiles qui racontent la vie de Jésus. Rejeté par son peuple, entouré de quelques disciples, faiseur de miracles, en proie au questionnement dans le désert, trahi… Les parallèles ne manquent pas entre le destin du Christ et celui de J’on ! Attention il ne s’agit cependant pas d’une tentative de prosélytisme déguisé. Rosinsky et Van-Hamme nous livre ici une version beaucoup plus décalée, sulfureuse, baroque et au final désenchantée que l’original. Le Dieu créateur de Daar ne peut aucunement être confondu avec le Dieu des chrétiens. L’humour et le sexe sont des éléments essentiels dans la construction du personnage principal et dans le rythme du récit. Le souffle épique va crescendo et lorsque vous croyez en avoir fini, lorsqu’on atteint le sommet et que tous les éléments qui composent l’histoire se rejoignent dans un final éblouissant et magistral, les auteurs ont un sursaut de génie et réinstallent l’équivoque, un nouveau démarrage, une nouvelle genèse…

Vous l’aurez compris ce récit à tout pour plaire : du classicisme et des innovations de génie, du mysticisme et de l’humour, du sexe et du sacrifice. L’équilibre narratif entre toutes ces parties m’impressionne toujours : jamais trop jamais trop peux. Les auteurs nous livrent un récit très maîtrisé et complet, au point qu’on a parfois du mal à concevoir qu’il ait été publié dans un mensuel (magazine A suivre dans les années 1986/1987). Le dessin de Rosinski foisonne de détails et par pitié si vous voyez une version colorisée fuyez, rien ne rend plus justice à son travail que le noir et blanc original !

Un incontournable de toute bonne bibliothèque à ranger à côté du Seigneur des anneaux et de votre Bible. Il n’est pas trop tard pour l’ajouter sur la liste au Père-Noël…

Baptiste

Le grand pouvoir du Chninkel, Rosinski  et Van-Hamme, Casterman, 25 €

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Quoi que l’on puisse penser des comics, des super-héros, des formats « Intégrales » opportunistes ou même de l’édition en général, il faut bien admettre une chose.
Urban Comics est la meilleure chose qui soit arrivé au comics en france depuis bien longtemps.

Une fois encore, c’est l’excellente collection Vertigo qui nous gratifie d’une re-découverte d’une des séries-phares d’un seigneur des slips flashys et moulants : Alan Moore.

Top 10 nous emmène à Néopolis, métropole d’un genre particulier car c’est ici que les autorités mondiales ont regroupé toute la super-humanité après la Seconde Guerre Mondiale. Construite par des « supers », pour des « supers », et avec des vrais morceaux de « supers » dedans, Néopolis est une véritable cocotte-minute remplie d’uranium enrichie. Ici, tout le monde trouve sa place, les gentils comme les méchants. Véritable melting-pot de pouvoirs plus ou moins visibles, la population s’organise désormais comme partout ailleurs. Dans ce climat un peu instable, l’on suit les journées des agents du commisariat du 10ème district (surnommé Top10) dans leur quotidien, par le prisme du regard d’une petite nouvelle fraichement sortie des bancs de l’académie, la bien-surnommée Coffre à jouets.
Pour eux, la banalité. Patrouilles en voitures, filatures, enquètes sur des meurtres, interrogatoire et garde-à-vue. Seulement, comment gérer une rixe conjugale quand le mari à des membres élastiques et que la femme peut se transformer en sable ? Comment interpeller un homme qui gonfle comme un ballon de baudruche à la moindre émotion ? Et comment esquiver

Chronique policière, critique de la société urbaine, véritable déclaration d’amour à l’age d’or des comics, truffée de références hilarantes et clins d’oeil malicieux, cette série reste un comics à l’intelligence rare. Au détour de certaines cases, le décor est grandiose et si bien posé qu’on ne remarque tout les détails qu’à la relecture. En toile de fond de l’écriture du scénario, on peut remarquer quelques interrogations du XXème siècle : les traumatismes d’après-guerre, la ségrégation, l’image des gardiens de la paix, le proxénétisme, le crime organisé, la corruption des puissants, tous ces sujets pèle-mèle ne sont que la partie émergée de l’iceberg.

Datant de 1991, avec un dessin riche, très détaillé au service d’une identité visuelle forte, Top 10 n’est pas assez old-school pour faire fuir les curieux du genre.  C’est une série que le fan appréciera de (re)découvrir et que le novice arpentera avec bonheur, sans la nécessité d’avoir un bagage culturel complet sur le comics américain.

Un must-have.


Top 10, Urban Comics collection Vertigo, Alan Moore / Gene Ha, 35€

Valmon

9782812609459

Obia. L’Obia te donne de la force. Il attire sur toi la bénédiction des anciens. Ceux qui sont morts ne sont pas morts. Ils marchent avec toi, dans tes pas et te protègent. L’Obia renforce ton corps mais aussi ton esprit. Si tu es en danger, tu trouveras la ressource. Les blessures éviteront ton corps et tu détruiras tes ennemis. Mais attention, si tu doutes, l’Obia te délaissera. Tu dois affronter ta peur et agir en guerrier. C’est à ce prix que l’Obia sera sur toi. Ne doutes pas et tu passeras. N’oublie pas … Tu as une mission !

Sur les routes boueuses et les chemins de terre de Guyane, à travers la jungle de tôles et de verdure, Clifton fuit. Il est tout jeune encore. A peine homme, déjà père, mais pas encore prisonnier. Il transporte avec lui les pires des passagers : la peur et la mort. Mais il a un atout de taille. L’Obia : la magie des Noirs-Marrons, ces descendants des esclaves africains qui se sont enfuis dans la foret amazonienne et dont les esprits ancestraux venus des terres d’Afrique veillent sur lui.

A sa poursuite, deux hommes que tout oppose. Marcy, le major. Géant créole pur jus, mastodonte bien en chair dont la connaissance du terrain et de ses habitants n’a d’égale que son ambition. Mais sa réputation de tête brûlée l’empêche d’avancer.
A ses cotés, Anato, le capitaine. Lui est un Ndjuka exilé. Ses étranges yeux jaunes et sa réserve naturelle dissimulent un homme tourmenté par la recherche de son passé, caché sur les rives du fleuve Maroni, frontière naturelle entre la Guyane et le Suriname.
Sur fonds de cartel de drogues et de guerre civile surinamaise, un contre-la-montre s’engage. Nous ne vous en dirons pas plus sur l’intrigue, préférant vous laisser le plaisir de la découverte.

Voici donc le troisième polar guyanais de Colin Niel, nouveau venu sur la scène du crime. Après Les Hamacs de carton en 2012 et Ce qui reste en foret en 2013, il récidive avec Obia. Reprenant avec plaisir son personnage du capitaine Anato, cet exilé à la recherche de ses racines, il explore une nouvelle facette de ce terrible bout de France perdu sur la cote Amazonienne.

Colin Niel est certes un auteur mais il a également participé à la création du parc Amazonien de Guyane – que vous pouvez visiter – et est tombé amoureux de cette région dont il parle dans son oeuvre.

A travers ses différents personnages, vous découvrirez l’histoire de cette région française d’Amérique du Sud – pour ceux du fond qui ne sauraient pas où ça se situe, la Guyane se trouve au nord du Brésil – mais aussi plus globalement, l’histoire – avec un grand H – de la région. Vous vous y imprégnerez des cultures locales et des difficultés auxquels peuvent être confrontés ses habitants si éloignés de la métropole. Car oui, Colin parle de cette société guyanaise, de ses clivages sociaux, culturels, de leurs origines, avec brio, de tous les sujets possibles et imaginables par le prisme du roman policier et des relations entre ses personnages – principaux comme secondaires – et de leurs quêtes respectives, de leurs visions du monde qui les entoure, de leurs attentes. Et ces personnages, quels personnages, hauts en couleurs, aux caractères bien approfondis, chacun représentants une face de la culture guyanaise.

Bref, ne vous retardons pas, on ne saurait que vous conseiller de lire Obia (et les autres aventures du capitaine Anato, disponibles en poche) dont vous ne pourrez sortir avant la fin tant le rythme est maîtrisé – tout comme l’écriture, d’ailleurs – allez donc vous le procurer !


Obia, Colin Niel, Rouergue,

Les Hamacs de Carton, Colin Niel, Rouergue et Babel pour l’édition poche

Ce qui reste en forêt, Rouergue, et Babel pour l’édition poche.

Quentin et Valmon

Sweet Tooth

Décidément, Jeff Lemire aime à secouer l’humanité. Il y a tout juste un an, Urban Comics publiait l’excellent Trillium, mettant en scène la disparition de l’humanité des suites de la propagation d’un virus mortel dans nos colonies spatiales. Aujourd’hui, il balaie la moitié de la population de la Terre en quelques heures pour mieux laisser aux survivants le soin de mourir à petit feu. Et parce que Robert Kirkman et Walking Dead s’essoufflent, il fallait bien quelqu’un pour reprendre le flambeau du genre post-apo.

Il y a sept ans, une mystérieuse pandémie est apparue sur Terre, décimant la majeure partie de la population mondiale et donnant naissance à une nouvelle espèce à mi-chemin entre l’homme et l’animal qui seule résiste à la maladie. Gus, le personnage principal, est un de ces hybrides : mi-homme, mi-cerf. Élevé par son père en pleine forêt, Gus ignore tout du monde extérieur, si ce n’est qu’il est rempli de pêcheurs et qu’on ne trouve au-delà des frontières de la forêt qu’un monde de feu où souffrir. Libéré de l’obscurantisme religieux de son père lorsque celui-ci décède, Gus décide d’enfreindre le premier commandement de son géniteur et prend la route avec un certain Jepperd à la recherche de « la réserve », un refuge pour les hybrides chassés par une humanité prête à tous les sacrifices pour trouver un remède à la pandémie.

Gus représente à la fois l’ignorance et l’innocence du lecteur face à un Jepperd sombre, taciturne et particulièrement violent. Le contraste entre ces deux personnages crée un équilibre certain dans l’univers dépeint par Jeff Lemire. Car Sweet Tooth réserve son lot de surprise, chapitre après chapitre. L’auteur joue avec le temps et l’espace, transposant tour-à-tour son récit dans le passé et les rêves des personnages avant un retour à la réalité. Avec une unique constance : la violence du récit. La violence hante chaque page de l’album, rappelant la laideur de l’humanité dès lors que son instinct de survie a repris le dessus. Face à un Gus désemparé, la violence se fait cruauté. Mais dans les yeux de Jepperd, elle devient une nécessité…

Si les six premiers chapitres de ce premier tome sont, il faut le reconnaître, d’un classicisme absolu, c’est parce qu’ils forment une longue exposition de l’état du monde. Le talent de narration de Jeff Lemire explose littéralement lorsqu’il s’attarde sur la complexité de Gus et Jepperd, qui n’auront de cesse de changer l’un et l’autre tout au long des trois tomes promis par Urban Comics. Au-delà de leur relation, ce sont les événements et la somme de leurs expériences qui les mèneront à un final épique (que j’ai eu la chance de lire en V.O) et auto-contenu, digne d’un Y, le dernier homme moderne. Jeff Lemire écrit Sweet Tooth à la manière d’un Walking Dead indie : il prend le temps d’interroger ses personnages entre deux actions, de les faire interagir sans avoir à tout expliquer.

Son trait est à ce titre un élément explicite de l’œuvre puisqu’il contient toujours les informations que les personnages ne sont pas prêts à fournir. Certains le jugeront brouillon quand il ne suffira qu’une planche à d’autres pour y voir une esthétique imparfaite et vivante, mais je ne peux que vous encourager à dépasser votre éventuel dégoût pour découvrir l’un des nouveaux maîtres américains. Sweet Tooth n’est qu’une des nombreuses réussites de l’auteur et nul doute que son Descenders, prévu chez Urban Comics en début d’année prochaine avec l’exceptionnel Dustin N’Guyen au dessin, finira d’asseoir sa position comme l’unique concurrent actuel à Brian K. Vaughan (Ex Machina, Saga…).

Exercice de style pour Jeff Lemire, qui n’avait encore jamais travaillé seul sur une série « longue », Sweet Tooth est une leçon d’écriture adressée à un Robert Kirkman alors en panne d’inspiration. C’est un conte qui ne s’embarrasse pas des notions de bien et de mal, qui installe l’humanité face à sa pire crainte : la mort. Le road-trip de Gus et Jepperd prends des airs de descente aux enfers où l’espoir peine à filtrer, piétiné par un monde où la haine, le désespoir et les pertes forgent les caractères. Heureusement, il y a Gus, qui trouve toujours de la beauté sur cette Terre dévastée…



Sweet Tooth, tome 1 (série en cours, trois tomes prévus) – Jeff Lemire – Urban Comics, 22,50 €

Johan